ZOMBIE ZOMBIE Vae Vobis – Vinyl LP (black)

20.00 

Born Bad Records

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ZOMBIE ZOMBIE Vae Vobis – Vinyl LP (black)

Pressing info : First pressing on black vinyl LP.

Ca devait arriver. Ils sont allés trop loin. A force de digger à rebours dans les bacs italo-disco, ils ont fini par remonter jusqu’à l’antiquité. Résultat, ça chante en latin. Pas le latin de cuisine de l’abominable Era, non non, du bon vieux latin des familles, qu’ils sont allés pomper chez Erasme, en débauchant une néo-latiniste pour séquencer ses adages proprement.

Ca chante en latin, donc, et ça chante beaucoup. Jusqu’ici Zombie Zombie poussait la chansonnette pour des reprises de Iggy Pop, Sun Ra ou New Order. Là, ils ont construit de longues progressions harmoniques, dans lesquelles se promènent Angèle Chemin, soprano rompue au contemporain barré, et Laura Etchegoyhen, couteau suisse d’origine basque. On le sait, même si on n’a pas usé ses fonds de culotte sur les bancs d’une église : le latin ça se chante bien.
Aussi distingués qu’ils soient tous les trois, ils ont pas non plus fait leurs humanités chez les Jésuites. Leur nouveau label Born Bad n’a pas signé de partenariat avec la ligue de préservation des langues anciennes, alors on leur a posé la question : pourquoi ? “Envie de rester mystérieux, de passer des messages cryptiques, de se replonger dans une langue d’un autre temps, comme les moines copistes du Moyen Age”. Et à la manière de leurs ancêtres encapuchés, ils font ce qu’ils veulent avec les textes, et rajoutent des enluminures porno dans les coins, pour qui sait écouter de près.

Zombie Zombie a quinze ans, soit 90 piges en années-de-groupe (multiplier par six : plus qu’un chat, moins qu’un chien). Ca aurait été assez pour poser leur cul sur le transat de l’actualité musicale, avec un Old Fashioned dans chaque main. Mais non : ils se lâchent totalement dans une orgie doom grasse et réverbérée. Les choeurs lorgnent du côté des arrangements de David Axelrod ou Ennio Morricone, avec des syllabes scandées qu’ils dispersent suprêmement rallentato sur plusieurs titres (Lacrymosa, Consortium). Bref cet album prend des risques.

Donc non, Vae Vobis c’est pas la fête du banger à 122 bpm, même si on se réjouit d’avance de voir ce qu’un DJ fera de Nusquam et Ubique avec une foule ivre en toge tie-and-dye. C’est un album homogène, qui gagne à s’écouter d’une traite, et dans lequel chaque track est un faux-ami. Ring Modulus, par exemple, qui, sous sa structure carrée, abrite de petites saillies en « technique vocale étendue » cachées dans le mix. Ou Aurora, joyau mégalo taillé pour ouvrir les jeux du cirque, où les cuivres du Dr Schönberg et de Etienne Jaumet se la jouent peplum, et où les percus martiales sont jouées par des colosses en sandales. Pour mesurer leur démesure, il faut prendre au sérieux ces folies, comme on le dit en architecture des maisons pour lesquelles le commanditaire a dit “carte blanche, fuck my shit up”.

Album de rupture après plus de dix ans chez Versatile Records ? Incunable discographique né dans l’angoisse du confinement ? Peu importe : on y retrouve tout ce qu’on aime dans Zombie Zombie, à commencer par ce savoir-faire musical qui fait prendre des vessies pour des lanternes. On a cru qu’ils avaient embauché un bassiste sur Erebus, et non, c’est encore et toujours du synthé (SH-101). Les vocoders sont poussés dans leurs retranchements. Sax, trompette et percus viennent colorer encore un peu plus cet album tout fou dont la pochette apocalyptique et sereine est signée Druillet / Avramoglou.

On savait bien que sur les platines de Cosmic Neman, c’est le gangbang permanent, et que la synthèse des goûts musicaux du trio couvre 95% des styles répértoriés par Discogs. Donc on est pas surpris d’apprendre que la référence black metal / doom est assumée : “on s’était retrouvés à jouer dans un festival de black metal en Californie, où l’on était les seuls blanc-becs sans tatouages ni cheveux longs ni perfectos, mais nous on reste dans un rituel complètement païen”. On constate qu’ils n’ont emprunté au genre que ce qu’ils ont bien voulu garder, avec un regard oblique, comme dirait Etienne Jaumet.

Ce disque peut contenir des traces de doom, on est prévenus. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à des singeries scéniques à base de pentacles en faux-sang et de chorégraphies en robe de bure. On a dit “prenez cet album au sérieux”, pas “entrée gratos sur présentation d’un bouc décapité”. Chaque morceau est une plateforme pour de grosses envolées lyriques. C’est peut-être la diète forcée du confinement qui parle, mais on sent qu’ils ont envie de la jouer, cette musique. On entrevoit bien la future tuerie à la fin de War is coming, mixé dans le rouge brique par Laurent de Boisgisson au studio One two Pass it, à Bagnolet. Il y a de l’espace dans les compos, ça bat au fin fond du temps, comme ils savent faire, dans des morceaux en majorité plutôt courts qui devraient s’épanouir sur scène (en espérant que les salles leur permettent de faire venir les brillantes choristes).

Vae Vobis, mort à vous, Vae Victis, mort aux vaincus. Les sans-dents qui ont pas su traverser la route pour trouver du boulot ? Non, “un sort jeté” aux dominants. Dans la langue de l’Empire, ça parait cohérent.
Consortium te amat, veni ad Consortium : le consortium t’aime, viens à lui. On a bien envie de prendre sa carte de membre.

Halory Goerger

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